La sensibilisAction est en marche ! 

Un peu plus d’un an après le rapport de l’Académie de Médecine, c’est au tour de la HAS (Haute Autorité de Santé) de se positionner sur le sujet du burn-out en publiant des recommandActions officielles de stress-défense pour lutter contre l’épidémie de Working Dead. 

Sa mission ? Triple 🙂

  • Définir le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout.
  • Améliorer son repérage et sa prise en charge,
  • ainsi que l’accompagnement de ses victimes lors de leur retour au travail.

Au-delà des débats sur la nature du burn-out, l’objectif est de proposer une prise en charge personnalisée

Un grand pas en avant qui a donné lieu à une efferveScience d’articles, que j’ai pris le temps d’infuser avant de diffuser un best-of commenté au service de la sensibilisAction. 
(bon ok j’étais aussi trop occupée à profiter de mes vacances et à déconnecter, mais c’est aussi ça la stress-défense

J’ai surtout pris le temps de lire le rapport, beaucoup d’articles s’étant arrêtés à la fiche mémo (moi je dis ça…), pour une restitution… pédagoGeek bien sûr ! 

Burn-out, fiche perso

Et là, c’est le drame. 
(oui, dès la première partie)

Un des gros problèmes du burn-out est l’absence de consensus sur sa nature et sa reconnaissance. Le rapport de l’Académie de Médecine de 2016 avait d’ailleurs conclut en définissant le burn-out comme un « état de détresse psychologique lié à l’impossibilité de faire face à un facteur professionnel stressant chronique » ne pouvant faire l’objet d’un diagnostic médical. Le rapport invitait à approfondir les recherches pour parvenir à déterminer des critères diagnostiques. 

Autant dire qu’au niveau de la fiche perso, c’était le grand flou au niveau institutionnel. 
Difficile donc d’identifier et encore plus de dénombrer les victimes quand on n’arrive pas à se mettre d’accord sur leur profil… 

Mais ce nouveau rapport va plus loin, en dressant un portrait 3D de nos burn-outés. 

Un burn-out en 3 dimensions

Prépare tes lunettes, on va plus loin dans ce nouveau rapport, avec à la fois une définition et une confirmAction de la trilogie de dimensions caractérisant le burn-out : 

Le burn-out : définition et trilogie de dimensions

On retrouve les 3 signes à surveiller de mon burn-o-mètre Game of Thrones, mais j’avais le tiercé dans le désordre !
En effet la diminution du sentiment d’accomplissement étant aujourd’hui plus remise en cause que le cynisme (ou zombification). ce qui confirme l’épidémie de Working Dead. 
En revanche la diminution du sentiment d’accomplissement pourrait être autant une conséquence du stress chronique qu’un trait de personnalité… (amis perfectionnistes et workaholics, levez la main !) 

Des symptômes pour un syndrome

Le burn-out est un syndrome. 
C’est-à-dire qu’il se traduit par un ensemble de « manifestations cliniques plus ou moins importantes, d’installation progressive et souvent insidieuse » (la fameuse pile qui s’oxyde 😉 )

Ces manifestations sont réparties en 5 familles, qu’on peut hélas collectionner (comme des Pokemon)

  • émotionnelles : anxiété, tensions musculaires diffuses, tristesse de l’humeur ou manque d’entrain, irritabilité, hypersensibilité, absence d’émotion ;
  • cognitives : troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration, des fonctions exécutives ;
  • comportementales ou interpersonnelles : repli sur soi, isolement social, comportement agressif, parfois violent, diminution de l’empathie, ressentiment et hostilité à l’égard des collaborateurs ; comportements addictifs ;
  • motivationnelles ou liées à l’attitude : désengagement progressif, baisse de motivation et du moral, effritement des valeurs associées au travail ; doutes sur ses propres compétences (remise en cause professionnelle, dévalorisation) ;
  • physiques non spécifiques : asthénie, troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques (type lombalgies, cervicalgies, etc.), crampes, céphalées, vertiges, anorexie, troubles gastro-intestinaux.

Tu peux retrouver une partie de ces signes dans ma vidéo pédagogeek sur les 20 signes du burn-out : 

Toute la mission diagnostique consiste à caractériser le syndrome, et d’éventuelles pathologies associées, comme un trouble de l’adaptation, un trouble anxieux, dépressif ou un risque suicidaire.

Une démarche qui reste à l’appréciation du médecin, le burn-out ne rentrant pas dans la case des maladies caractérisées. En ce sens, il ne bénéficie pas de marqueurs cliniques ou biologiques reconnus, spécifiques et significatifs qui pourrait aider au diagnostic. 
Sans compter qu’on retrouve des signes cliniques communs entre le burn-out et d’autres pathologies comportementales, ce qui ne va pas faciliter pas le passage du burn-out de la case syndrome à la case pathologie (encore une fiche perso qui ne rentre pas dans les cases…).  

Difficile parfois de se prononcer, surtout quand on est désarmés…

Burn-out Watchers : la Garde manque d’outils…

A la décharge des investigActeurs, les critères du burn-out ont cette particularité d’être nés d’une échelle de mesure (le MBI, pour « Maslach Burn Out Inventory »), et non l’inverse. C’est à dire qu’ils ont sorti le profil type du burn-outé (ou Working Dead) d’une analyse statistique de résultats plutôt que de l’observation des individus. Le fameux corrélation VS causation… 

D’ailleurs si le MBI reste le questionnaire scientifiquement validé le plus utilisé à ce jour, suivi par le CBI (Copenhagen Burnout Inventory), le rapport rappelle que ces questionnaires sont avant tout des outils d’évaluation. Ils n’ont pas été conçus pour des diagnostics individuels. 

La solution ? Case médecin ! 

Que ce soit le médecin traitant ou le médecin du travail, eux seuls pourront opérer l’observAction systémique des manifestations cliniques et conditions de travail propres au burn-out. 
Pourquoi ? Parce qu’ils ont la vision en 3 dimensions du burn-out 😉 
Et que contrairement à un questionnaire ils sauront rechercher d’éventuels signes de déni du travailleur en souffrance (si si c’est fréquent sur un premier burn-out, surtout sur les profils à sur-investissement)

Donc : en cas de doute, si tu te reconnais dans la fiche perso ou les 20 signes que burn-out is coming, tu consultes !

Le médecin du travail : règle du je(u)
Tout travailleur peut solliciter une visite auprès du médecin du travail à tout moment, y compris pendant l’arrêt de travail, et sans en informer son employeur si la visite a lieu en dehors des heures de travail. 
C’est un perso à privilégier car il a accès à des infos que le médecin traitant n’a pas (comme les taux d’absentéisme, le turn-over, les relations dans l’entreprise, la fréquence des maladies professionnelles…).
En plus il est entouré de toute une équipe, pour un repérage collaborActif des entreprises à risque.
Un acteur clé de la sensibilisAction ! 

Bienvenue à Zombieland : les facteurs de contaminAction

A défaut d’un profil bien défini, le Working Dead se distingue par son milieu de vie : l’environnement professionnel est au cœur du passage du côté obscur du burn-out. Une contaminAction progressive, le burn-out étant un « processus
de dégradation du rapport de l’individu à son travail au bout duquel, complètement vidé de ses ressources, il s’écroule » (rappelle-toi, les piles 😉 ).

Le médecin du travail pourra mener l’enquête dans en recherchant les liens avec les conditions de travail pour préciser son diagnostic. Pour ça il a une panoplie de facteurs de risques à surveiller… 

RPS puissance 6 

Autant la fiche perso du burn-out est encore discutée, autant les facteurs de Risques PsychoSociaux sont clairement établis. Au nombre de 6, identifiés dans le rapport Gollac et repris régulièrement depuis, les facteurs de risques à surveiller : 

  • intensité et organisation du travail : surcharge de travail, imprécision des missions, objectifs irréalistes… ;
  • exigences émotionnelles importantes avec confrontation à la souffrance, à la mort, dissonance émotionnelle ;
  • autonomie et marge de manœuvre ;
  • relations dans le travail : conflits interpersonnels, manque de soutien du collectif de travail, management délétère… ;
  • conflits de valeurs ;
  • insécurité de l’emploi.

Mais qu’en est-il des individus face aux facteurs de risques ? 

Profils à risque

LA question, est-ce qu’il existe un profil à risque de burn-out ? Il y a des tendances, et pour le plaisir de casser les idées reçues : non, ce ne sont pas les plus « faibles » qui sont touchés, bien au contraire. En fait, on retrouve aussi bien dans les profils à risque les antécédents dépressifs et le névrosisme (tendance à voir le négatif, ou le verre à moitié vide) que les personnalités de type A (les compétiteurs nés tendance dominateurs et contrôlants) et les workaholics. 

Au-delà des profils on trouve aussi des situations à risque, avec l’équation ultime du burn-out : 

Attentes VS ressources

Des attentes trop élevées sont délétères, c’est notamment le cas dans la guilde des soignants, population historiquement largement touchée pour le burn-out (le rapport y consacre une étude détaillée). 
A l’inverse, les ressources professionnels comme le soutien social, la stabilité, un collectif vivant et des moyens suffisants ont un rôle protecteur contre le burn-out. 

Contre-attaque : la prise en charge

Ô joie, c’est maintenant officiel et écrit noir sur blanc : 

Arrêt de travail 1 : 0 Antidépresseurs

Bon ok, ils ne l’ont pas formulé comme ça… 
En version originale ça donne : 

La prescription d’un traitement antidépresseur est uniquement recommandée dans le cadre de ses indications (troubles anxieux, troubles dépressifs).

Soit : NON, le burn-out n’est pas une dépression, donc on arrête de donner des antidépresseurs !

L’Académie de Médecine avait déjà souligné une tendance un peu trop systématique et surtout non justifiée à recourir aux anti-dépresseurs et aux anxiolytiques, alors que le burn-out ne semblait être ni une dépression ni un syndrome de stress post-traumatique. 

Ce nouveau rapport va encore plus loin en préconisant un S.T.O.P. : arrêt de travail pour tous ! 

D’une durée variable en fonction de la gravité et l’évolution des symptômes, l’arrêt de travail s’avère indispensable pour se reposer, se reconstruire et faire le point sur ses attentes professionnelles avant d’envisager une reprise. 

En pratique ? C’est le mode chat, à retrouver dans mon e-book gratuit « Burn-out les règles du Je(u) » 😉 

Le médecin peut bien sûr être amené à identifier une pathologie associée nécessitant un traitement (c’est le cas dans certains burn-out sévères, le burn-out pouvant être une étape vers la dépression), mais ce n’est pas systématique. 

Mission : reconstruction & reconnexion

Passée cette étape diagnostique, la seule prise en charge proposée est « non médicamenteux et basée sur des interventions psychothérapeutiques ou psychocorporelles« . 
(oui ils aiment bien les phrases compliquées, en même temps le rapport s’adresse à des médecins…) 

On est au cœur de la quête des Working Dead : 

Tous ces points essentiels pour devenir un Maître du Je(u) paré à repartir travailler sans rechuter ! 

Enfin c’est moi qui paraphrase, dans le texte on a juste une invitation à se rapprocher d’un professionnel de santé ou d’un psychologue… ils ont oublié les coachs effervescients 😉 !

Mission : collaborAction 

Si le panel de collaborActeurs proposés est plutôt restreint, la HAS insite sur l’importance pour le médecin traitant de faire équipe avec le médecin du travail pour « analyser le poste et les conditions de travail » et « préparer le retour au travail ». 

Une approche collaborActive entre le médecin et l’équipe pluridisciplinaire de la médecine du travail pour mieux comprendre les causes du burn-out et proposer un accompagnement adapté avec un super-bouclier et une haie de licornes pour nous accueillir…  

Pardon. 

Je plaisante mais la réalité n’est pas drôle : les médecins sont les premières victimes de burn-out, et la médecine du travail est à l’agonie avec des effectifs qui s’effondrent… Donc oui je salue l’initiActive, sur le papier elle est idyllique, mais on est dans un Monde Merveilleux comparé à la réalité… 

En revanche l’approche collaborActive est une réalité : on ne reste pas seul face à un burn-out. 
Il y a tout un travail de reconstruction indispensable à mettre en place, avec des professionnels de santé et thérapeutes, et on est trop vite isolés une fois passés du côté obscur. 
C’est le pourquoi de la team des Stress Fighters sur facebook et MeetUp, n’hésite pas à nous rejoindre 😉 

Et le fait est qu’après un long arrêt maladie (plus de trois mois), une visite de pré-reprise est obligatoire avec le médecin du travail, qui pourra proposer des aménagements du poste, ou des pistes de reclassement ou de formation en vue d’une reconversion.  
(pour des arrêts plus courts le patient peut en faire lui-même la demande)

Une visite qui peut se faire pendant l’arrêt de travail, en toute discrétion, et qui est essentielle pour ne pas repartir trop vite et tenter d’améliorer la réinsertion si l’environnement est resté hostile… 

Et la sensibilisAction dans tout ça ? 

Comme l’a si bien souligné Patrick Légeron, Maître Yoda du stress au travail, ces recommandActions sont bienvenues mais manquent cruellement de conseils de prévention… 

Alors je modère : c’est vrai sur la fiche mémo, moins dans le rapport complet où il y a une vraie recherche de solutions préventives. Toute une partie est consacrée à l’étude des méta-analyses d’interventions de prévention du burn-out, mais elle n’est hélas pas franchement concluante. 

Oui, les thérapies cognotivo-comportementales, la relaxation, la méditation pleine conscience, les formations peuvent avoir des effets, mais à l’échelle du recoupement d’études les résultats sont trop hétérogènes pour donner lieu à des recommandations dans ce nouveau rapport. 

Fallait-il pour autant supprimer la partie prévention de la synthèse (où le chapitre « Prévention et prise en charge » a été rebaptisé « Prise en charge et acteurs ») ? Je m’interroge…  

C’est bien beau d’améliorer les prise en charge des burn-outés, mais encore faudrait-il agir à la source du problème… 

Médecine 1 : 0 Entreprise 

Le rapport est transparent sur ce point : il s’adresse aux médecins, pas aux entreprises. 
Pour le moment… 

Ces recommandations se limitent au volet clinique du thème : l’action sur le milieu et l’organisation du travail est exclue du champ de ces recommandations. Elle est néanmoins indispensable dans une démarche de prévention primaire, secondaire ou tertiaire du burnout.

Le rapport complet annonce un prochain groupe de travail sur la thématique de la « prévention du burn-out ».
Pas d’info sur la date de sortie du nouvel opus, mais nous sommes dans le cadre du Plan Santé au Travail 2016-2020 donc dans une trilogie d’années max. 
(et ça aurait été bien de le préciser sur la fiche mémo, je ne comprends pas pourquoi un bloc aussi essentiel que la prévention a disparu de la synthèse, surtout que l’intention est là…) 

La prise de conscience existe, mais elle ne touche pour l’instant que les individus déjà victimes, sans inquiéter l’entreprise outre mesure… Le changement pourrait venir d’une reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle, qui ferait porter à l’entreprise le coût de la recrudescence des arrêts maladie longue durée, mais c’est un long combat législatif qui dure depuis des mois déjà, bloqué à la source sur le terme « maladie ».  
Un flou d’étiquette propre aux Risques Psycho-Sociaux qui ne rentrent pas dans les cases « troubles mentaux et du comportement » (la guilde des dépressions sévères et troubles anxieux, entre autres).

Le syndrome d’épuisement professionnel, lui, est un « facteur influant sur l’état de santé et motif de recours aux services de santé », comme le sont  aussi la souffrance au travail et les effets du stress lié au travail. Des facteurs. 
Alors à défaut de tirer sur les messagers, on soigne les victimes.

Mais on pourrait aussi faire passer des messages… 

InformAction is coming… 

A défaut de se positionner sur la prévention et les actions en entreprise, le rapport HAS mentionne les recommandations du Guide d’aide à la prévention du burn-out 2015

Le guide souligne l’importance d’une sensibilisation et d’une information sur les effets du stress au travail et le burnout afin de savoir reconnaître les premiers signaux d’alerte et de pouvoir orienter le travailleur. 

C’est aussi l’objectif que s’est donné la Mission d’information relative au syndrome d’épuisement professionnel dans son rapport de février 2017.  qui propose dans sa quête contre le burn-out : 

  • La création d’un centre national de référence consacré à la santé psychique au travail
  • L’élaborAction d’outils de dépistage et de prise en charge, dont un nouveau questionnaire pour les médecins
  • Le renforcement des consultations multidisciplinaires
  • Un site internet public à l’attention du grand public et des professionnels

Donc oui, informAction is coming !

Et même si la biblio n’est pas unanime, je persiste à défendre l’informAction comme arme de stress-défense massive pour tenter d’intervenir AVANT le burn-out. 

Ensuite que dit la biblio ? Que les effets des interventions sont modérés, et souvent limités dans le temps (de 6 à 12 mois pour des programmes de méditations pleine conscience par exemple).
En effet, une intervention isolée dans un environnement de travail a peu d’effet si on maintient des attentes utopistes. Le fameux attentes VS ressources. Et quand on sait que la (grande) majorité des études a été conduite dans le secteur de la santé… 

C’est ce qui m’a longtemps fait hésiter avant de proposer des ateliers et conférences en entreprise à vrai dire…
A quoi bon une intervention sans suivi, sans ressources mises à disposition et sans prise en compte des besoins des collaborActeurs ? En particulier dans le secteur santé où médecins et soignants ont souvent à peine le temps de prendre une pause, alors comment injecter de la stress-défense ? 

Et pourtant, c’est en connaissant l’ennemi qu’on pourra s’en prémunir
C’est en connaissant le stress et ses mécanismes qu’on pourra éviter de basculer dans le côté obscur.
Et c’est en sachant détecter les signes que burn-out is coming qu’on pourra s’arrêter à temps. 

Alors oui, la sensiblisAction pédagogeek est en marche !

Faisons équipe pour protéger vos collaborActeurs !